Cross Mission

Cross Mission (Fuoco Incrociato), Alfonso Brescia (Al Bradley), 1988



Produit à la grande époque des tournages cheapos aux Philippines (à l'instar de Zombi 3 par exemple), Cross Mission est l'oeuvre de Alfonso Brescia, responsable de nombreuses bisseries dont très peu sont restées dans la légende. Ce film d'action, mettant en scène Richard Randall, adepte du bovinisme actoriel, et dont Cross Mission fut la seule expérience cinématographique, pourrait rester lui aussi dans les oubliettes de Cinecittà si un seul détail ne venait pas considérablement ancrer ce film dans la mémoire du spectateur.

Il faut en effet bien reconnaître que Cross Mission ne brille pas par son originalité : pour on ne sait trop quelle raison, un sous-John Rambo de pacotille débarque dans un pays indéterminé à la solde d'un militaire véreux et se lie d'amûr avec une jeune journaliste prête à tout pour obtenir une entrevue avec le général sus-cité. Or il se trouve que notre gentil héros est un pote du militaire, mais qu'il joue un double-jeu qui va vite faire pencher nos deux tourtereaux vers le camp des guerilleros qui luttent pour la liberté. S'ensuivent de nombreuses péripéties, émaillées par de non moins nombreux détails qui tuent (l'idylle se concrétise en trente secondes top-chrono, les voyous qui attaquent le couple-phare dans le parc sont chaussés de Nike contrefaites, les généraux ont parfois l'air de ne pas avoir l'âge réglementaire pour le service militaire, etc..). Péripéties qui vont se conclure par un assaut des guerilleros destiné à libérer la satanée journaliste qui s'est bien sûr arrangée pour rester en arrière du groupe afin de prendre des photos - chose que le groupe des fins soldats de la liberté remarque environ cinq minutes de film plus tard - et s'est fait capturer par le méchant général.


Il faut souligner que la facture technique de ce film prête parfois à sourire ; si Brescia assure la plupart du temps à illustrer son palpitant récit de manière convenable, expérience oblige, certaines scènes laissent pantois de surprise, notamment lors d'une poursuite entre un bus, qui abrite nos deux héros, et un convoi de l'armée, prétexte pour étaler devant nos yeux ébahis un véritable feu d'artifice de faux-raccords et de maladresses en tout genre, sans compter que, alors que le bus est grêlé de coups de feu, Richard Randall reste tranquillement assis sur son siège (de peur sans doute d'encourir une amende de la part de la société de transports locale), assistant ainsi tranquillement à la mort d'une petite fille, tuée sous ses yeux. D'ailleurs, durant tout la petite heure et demie que dure Cross Misson, Randall reste d'un flegme à toute épreuve, arborant le même visage impénétrable lorsqu'il perd tout son argent au casino par la faute de sa compagne peu inspirée et lorsque celle-ci meurt sous les balles du méchant (remarquez c'est bien fait).

Mais je vous parlais au début de cette chronique d'un détail qui rendait le film unique, transcendant son statut de gentil nanar des familles. Et bien, c'est simple : le général Romero doit son ascension dans la hiérarchie de son pays à ... des pouvoirs magiques ! Soit, me direz-vous d' une voix fébrile, l'oeil tremblant d'impatience, mais quels sont ces pouvoirs ? Primo : notre bonhomme a le don de télépathie, cedont il use comme d'un sérum de vérité (tout en n'oubliant pas de torturer ses prisonniers pour obtenir des informations, faut bien se distraire). Deuzio : il est capable de faire très très mal à ses victimes en faisant passer une sorte d'éclair bleu dans la tête de celles-ci, ce qui nous donne l'occasion de beaux numéros d'acteurs s'évertuant à faire ressentir toute la douleur que cet éclair leur fait subir. Enfin, last but not least : ce grand homme, afin d'enfoncer définitivement ces charlatans que sont David Copperfield ou Sylvain Mirouf, a le pouvoir d'invoquer Astaroth. Mais qui est Astaroth, me direz-vous ? Une divinité puissante venant du fond des âges ? Non. Un serviteur dément à la solde de Belzébuth ? On se rapproche. Un nain qui peut lancer lui aussi des éclairs ? Bingo ! En effet, Astaroth apparaît afin de satisfaire les désirs de son maître. Quant à sa mort, elle est des plus réussies (attention au spoiler au fait) : notre héros, Richard Randall, va réussir à le capturer sous une corbeille, suite à un habile jeu de cache-cache ; puis, le grand méchant, apeuré par cette corbeille surgie de nulle part, va s'employer à y vider son chargeur, provoquant ainsi le décès de son petit ami dans une explosion qui envoie valdinguer le mystérieux réceptacle à au moins trois mètres - au bas mot. Une mort digne de ce personnage qui, n'en doutons pas, restera dans les annales du cinéma d'action (comment ça non ?). A noter que ce petit garde du corps est joué par Nelson de la Rosa - aka Mahow, qui ballade notamment sa carrure (72 cm) dans L'Ile du Dr Moreau de John Frankenheiner...



Vous l'aurez compris, Cross Mission vaut avant tout le coup d'oeil pour le potentiel nanar qu'il dégage ; sans être malhonnête, ce film d'action reste tout de même un produit vite emballé et vite vu, mais qui ne s'oublie pas aussi rapidement, grâce à cette absurde incursion du fantastique au sein d'un genre peu habitué à tant de frasques. Dans un sens, Alfonso Brescia a réussi un tour de force.



La bande-annonce :




02/01/2008
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